Relations publiques et IA

Dans un article du 16/09/22024 (https://www.lefigaro.fr/medias/les-recrutements-de-juniors-vont-changer-comment-l-ia-bouleverse-le-secteur-des-relations-publiques-20240915 ), le Figaro écrit à propos de l'impact de l'IA dans les Relations Publiques, en France.

C'est assez intéressant car pour l'instant, on a surtout des projections ou des enquêtes Outre-Atlantique mais peu de données ou de faits sur ce qui se passe en France.

Voici ce qu'on apprend dans cet article, ses points clés et notre avis à ce sujet.

1) Le grand remplacement des petites mains dans les relations publiques a déjà commencé

En effet, dès qu'un manager ou patron s'est aperçu que ChatGPT ou Claude ou autre pouvaient remplacer GRATUITEMENT ou presque le travail de "petites mains " ou de juniors (et le domaine des relations publiques en regorge) comme les revues de presse, les recherches de discours/écrits, les différences entre plusieurs documents, la réécriture, les communiqués, l'agitation sur les réseaux sociaux, etc..,  les petites mains sont éjectées.

Cela ne se résume pas au problème du chômage et/ou de la difficulté à trouver une alternance pour les très (trop) nombreux apprentis et alternants avec lesquels la Macronie a fait croire à une baisse du chômage (en échange de milliards dépensés en quasi pure perte). Cela pose aussi le problème des programmes d'enseignement dans les écoles et les universités du "numérique".

L'article en parle d'ailleurs un peu plus loin avec l'exemple du Celsa.

Parallèlement, l'IA permet dans ces domaines à un tas de petites "boutiques" de concurrencer les grandes, de proposer les mêmes prestations sans avoir à supporter les énormes charges fixes que représentaient les coûts de ces "petites mains" (sans parler de leur recrutement qui est toujours problématique pour les petites boîtes qui se voient préférer par lesdites "petites mains" des noms ronflants).  "Small is beautiful" écrivait Seth Godin..  C'est à nouveau vrai !

2) Le risque d’un discours aseptisé

Il est vrai qu'une utilisation basique de l'IA (chatgpt, claude, etc..) donne des écrits, vidéos, podcasts aseptisés, dans la droite ligne du parti et le style bienpensant US.. Même en Français, une telle utilisation des outils IA donne des choses "à la Figaro", à savoir dont on connait à l'avance le milieu et la fin quand on a lu le début, avec le tout emballé dans un style standard de camomille un soir d'hiver.

Mais c'est justement là que l'humain a sa place pour secouer le cocotier et "produire" mieux et plus intéressant.

Tout ceci passe par "l'art' du prompt " mais attention car celui-ci évolue aussi avec les outils, qui prennent en compte les difficultés, les ruses, les circonvolutions des prompts. Il y a ainsi fort à parier que les méthodes actuelles ne seront pas nécessaires ou marcheront moins bien avec ChatGPT 5 (D'où la difficulté des écoles et formateurs qui veulent se mettre sur ce créneau.. En réalité les bases sont faciles à acquérir et seule la pratique est formatrice).

3) La protection des données est un problème ...

.... abordé du bout de l'IA par l'article du Figaro .. mais comme pour le RGPD qui n'est pas appliqué par les réseaux sociaux ou Google, ce dont tout le monde se fout à commencer par la CNIL (Voir la lettre ouverte à ce sujet ici si jamais ceci vous intéresse : https://next.ink/brief_article/cnil-lettre-ouverte-contre-ses-sanctions-desesperement-faibles-sinon-inexistantes/ https://demarches.asso-purr.eu.org/letters/f1a75962-9b68-4fad-a5a3-fa00ad090a57  ), la sécurité des données dans les usages de l'IA n'intéresse pas grand monde.

Pourtant, il est possible et assez facile d'utiliser l'IA comme "moteur de travail" (Ce qu'elle est car les outils IA NE SONT PAS UN MOTEUR DE RECHERCHE à la Google) sur des ordinateurs ou serveurs fermés (Voir plusieurs méthodes listées dans notre groupe Linkedin: IA et Entreprises --> https://www.linkedin.com/groups/12878644/ ).

Allant de pair avec la protection des données, il y a la MEMOIRE de l'IA. Dans tous les cas que nous avons vus jusqu'à présent dans des entreprises françaises, les utilisateurs de l'IA ont du mal à intégrer ou alors, à l'inverse, pensent trop facilement, que l'IA garde en mémoire (ou ne garde pas en mémoire) ce qu'ils ont déjà fait avec elle. Cela entraine souvent les fameuses "hallucinations" qu'on peut ne pas détecter immédiatement parfois.

4) Le mirage des "modèles propriétaires"

C'est là principalement qu'est la bulle de l'IA. Beaucoup de grosses boîtes ou de SSII (ou même de pays) veulent construire leur propre IA alors que les modèles "grand public" font 90% de ce qu'ils veulent faire, pour un coût dérisoire.

Certes, cela permet à pas mal de vendeurs de soupes de fourguer des centaines de milliers d'euros et même de millions de prestations et de développement comme l'illustrent les centaines de millions d'Havas injectés là dedans  (Ceci dit, avec Bolloré, on peut se douter qu'il s'agit d'une manoeuvre financière pour monter le cours de bourse et donc au final gagner sur les gogos, à moins qu'il une refasse une Dailymotion ou Bluecar, à savoir un gros flop) ou les exemples d' Edelman et FGS Global cités par le Figaro  (Voir également l'article Utiliser l'IA dans une entreprise: attention aux SSII et consultants qui compliquent tout ).

Comme il y a quelques années avec les réseaux sociaux, les plate-formes de blogs, de vidéos, les moteurs de recherche ou les metavers, il ne sert à rien de tenter de créer son propre LLM ou IA puisque les acteurs existants ont des milliards de données et d'euros d'avance et surtout d'utilisateurs.

Quand on voit déjà ce que Microsoft a sorti et s'apprête à sortir avec Copilot (déjà décliné en plusieurs types de modèles)..  à quel point faut-il être ..  pour vouloir faire mieux et moins cher ?? 

Quelle connerie de dire:

« Notre IA maison, Fergus, est capable
de produire des analyses rapides et de
qualité, non seulement sur l’image de nos
clients dans les médias mais aussi sur les
problématiques liées à leur secteur d’ac-
tivité »

ou

« Avec notre modèle propriétaire
Archie, nous pouvons analyser, en cas de
crise, comment un article ou un tweet
peuvent avoir un impact sur la confiance
vis-à-vis d’une entreprise"

....alors qu'une utilisation assez simple d'OpenAI ou autre permet la même chose pour énormément moins d'euros....

Enfin, s'il y a des patrons ou des investisseurs qui veulent cramer de l'argent, ne les freinons pas.. on a déjà vu ça pour pas mal de vagues de la tech :-))) (En général, ceux qui se sont engagés dans cette voie arrivent assez bien à se reconvertir d'ailleurs en France.. en consultants, en leveurs de fonds ou même en nouvelles startups d'une énième vague où ils engloutissent encore des millions ..  On regrette simplement que souvent ce soit de l'argent public qui soit dilapidé..).

5) Baisse des prix des prestations de relations publiques

Il est évident que pour l'instant, des tas de boîtes de relations publiques utilisant l'IA, continuent à facturer du travail "humain" à leurs clients et font bombance.

Évidemment, quand les clients vont commencer à vraiment comprendre qu'un truc à 20 euros par mois fabrique ce qu'ils paient 1000 par jour, ils vont réclamer des réductions de prestations ou même faire eux-mêmes le boulot..

Quand ??? En France, ce type de mouvement est assez lent et toujours ralenti par les "relations personnelles" des patrons de prestataires de relations publiques avec les clients. A grands renforts de séminaires, d'invitations et de pipeau bien orchestré, les prestataires pourront encore faire du gras quelques temps ..

6) Capacités prédictives

Un des délires actuels concerne les capacités prédictives de l'IA. Pas mal de malandrins vendent des soi-disants outils ou méthodes promptesques pour deviner les cours de bourse..

Tout le monde oublie que:

• l'IA "raisonne" à partir du passé et que comme disait Monsieur La Palisse: "Un quart d'heure avant sa mort, un homme est toujours vivant" (Les produits financiers avertissent tous que "les performances passées n'augurent pas des performances futures"..
• si tout le monde ou du moins une majorité de gens se sert de l'IA, alors les gains, les avantages, l'inventivité seront toujours à chercher "ailleurs" donc dans l'humain..  Quand n'importe quel produit ou n'importe quelle prestation devient industrielle et facile à faire, quelque chose de nouveau nait pour intéresser les gens..

L'IA fait la BESOGNE mais ne crée rien à valeur ajoutée quand "valeur ajoutée" est qqch de "supérieur" à l'existant..

Un train, une voiture pourraient paraître extraordinaire à l'époque des chevaux mais maintenant c'est courant et d'autres choses sont extraordinaires dans ce domaine.

Une citation de l'article du Figaro résume très bien tout ça:

Ceci étant dit, la nature
de nombreuses crises provient souvent de
ce qui se passe en dehors du système…

Dans ce domaine, rappelons toujours la manière dont les joueurs de Go, d'abord battus à plat de couture par l'IA, ont reprise l'avantage : https://siecledigital.fr/2023/02/20/lhomme-reprend-le-dessus-sur-lintelligence-artificielle-au-jeu-de-go/ et  https://www.lefigaro.fr/sciences/comment-l-intelligence-artificielle-a-rendu-l-humain-plus-creatif-au-jeu-de-go-20230315 

7) Malveillance facilitée

L'article finit sur les possibilités de malveillance. Oui l'IA a changé la donne. Plus besoin pour les russes d'avoir des armées de trolls -> quelques agents IA suffisent pour créer, publier des millions de contenus tendancieux.. mais les outils de "défense" peuvent progresser aussi et au final que se passe-t-il ?  L'éternel jeu de papier caillou ciseau..  à ceci près que les gens ne croient plus rien et deviennent tous des pratiquants de la zététique (douter en permanence de tout).

On peut y voir un problème (Ouinnn ouinnn  les gens n'ont plus confiance dans les politiques) mais ça peut être aussi un sacré point positif puisque responsables, chefs et sous-chefs se devront d'être beaucoup plus rigoureux et irréprochables..  (On aura sans doute une crise des vocations) ou naturels, tel le fameux Donald T.. qui renverse tous les tabous de comm qu'on croyait exister aux USA..

Ceci dit, ça sera un gros problème pour les boîtes de relations publiques, car à quoi serviront-elles en fait ??